

Introduction
La fraude au président est désormais une problématique courante à laquelle sont confrontés les entreprises. Elle se caractérise par l’usurpation d’identité du dirigeant d’une entreprise, souvent pour obtenir des virements frauduleux. Récemment, la Cour de cassation a rendu un arrêt important le 2 octobre 2024 sur la responsabilité des établissements bancaires en la matière sur le fondement du devoir de vigilance des banques (Cass. Com., 2 oct. 2024, n°23-13.282). Cette clarification est d’autant plus importante pour les entreprises victimes qui peuvent ainsi trouver un responsable solvable alors que les procédures pénales à l’encontre des escrocs sont souvent déceptives dans la mesure où les escrocs opèrent souvent de l’étranger ce qui rend les poursuites complexes voire vaines.
Quelques exemples récents
Pour rappel, ce type de fraude peut toucher toutes les entreprises comme le révèlent les deux cas récents suivants :
- Un important promoteur immobilier a été victime de 45 virements frauduleux totalisant 38 millions d’euros. Les appels semblaient provenir d’un cabinet d’avocats avec lequel il était en relation, et les demandes du cabinet d’avocats étaient confirmées par des courriels falsifiés du directeur général. Les détails sur l’entreprise et son organigramme rendaient difficile la détection de la supercherie, qui n’a été révélée qu’à la suite de contrôles internes.
- Un comptable d’une entreprise de métallurgie a été contacté par un prétendu commissaire aux comptes demandant un virement de 300.000 euros pour racheter des actions. Lors d’une seconde demande, le comptable, devenu suspicieux, a effectué des vérifications en interne, ce qui a permis de révéler l’escroquerie avant que d’autres pertes ne surviennent.
Ces deux affaires mettent en lumière les risques importants auxquels les entreprises peuvent être confrontées et soulignent la nécessité d’une vigilance accrue.
Par son arrêt du 2 octobre 2024, la Cour de cassation rappelle aux entreprises qu’elles ne sont pas seules quand elles sont confrontées à des escrocs, les établissements bancaires doivent jouer leur rôle de partenaire en exécutant leur obligation de vigilance.
Les faits de l’affaire à l’origine de l’arrêt de la Cour de cassation du 2 octobre 2024
Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt de la Cour de cassation, une société victime d’une fraude au président a demandé la restitution à la banque des sommes virées frauduleusement.
La cour d’appel a donné raison à l’entreprise qui a engagé la responsabilité de la banque en considérant qu’il était établi que la banque avait manqué à son devoir de vigilance en ne détectant pas des anomalies apparentes dans les ordres de paiement.
La cour d’appel a relevé plusieurs éléments :
- Le montant des virements litigieux était supérieur aux montants habituellement virés qui ne dépassaient jamais une certaine somme,
- Les ordres de virement étaient rapprochés dans le temps ce qui ne correspondait pas à la pratique de l’entreprise,
- Les virements ont été réalisés sur des comptes bancaires à l’étranger alors que l’entreprise n’avait aucune activité à l’étranger et aucune relation habituelle avec les entreprises prétendument bénéficiaire des virements.
Ces anomalies auraient dû alerter la banque et l’inciter à vérifier la validité des ordres directement auprès du dirigeant de la société.
L’arrêt de la Cour de Cassation
La Cour de cassation a approuvé les conclusions de la cour d’appel, confirmant que la banque avait une obligation d’alerte et de vérification. Elle a jugé que les circonstances entourant les virements étaient suffisamment inhabituelles pour qu’une vérification des ordres de paiement soit nécessaire. La banque aurait dû contacter le dirigeant, la seule personne habilitée à valider ces ordres, avant de procéder aux virements.
Implications pour les entreprises et les banques
Cet arrêt souligne l’importance pour les entreprises de maintenir une communication claire avec leur banque sur les procédures de validation des paiements. Il rappelle également aux banques leur devoir de vigilance, qui va au-delà de la simple exécution des ordres de paiement.
Conclusion
Les entreprises doivent prendre conscience des risques de fraude au président et veiller à ce que des processus internes clairs et efficaces de validation des virements soient en place. Les entreprises doivent vérifier les procédures de sécurité interne et les mettre à jour régulièrement pour éviter ce type de fraude ultra répandue.
De leur côté, les banques doivent respecter leurs obligations de vigilance afin de prévenir ce type de fraude. Cet arrêt de la Cour de cassation constitue une étape importante dans la protection des entreprises contre les abus et souligne le rôle crucial des établissements financiers dont la responsabilité pourra être engagée.
Valérie Nicod – avocat associé