Conseil juridique avocats Ydès
Actualité juridique 03 octobre 2022

Entreprises confrontées à la hausse des prix : ne restez pas sans rien faire !

Par Ydès

La flambée généralisée des prix fragilise la trésorerie des entreprises et par conséquent les relations contractuelles et commerciales qui peuvent devenir plus onéreuses, voire désavantageuses, du fait de la remise en cause de l’équilibre économique du contrat. Dans ce type de situation, le premier réflexe d’une entreprise peut être de vouloir à tout prix sortir du contrat, ce qui peut s’avérer complexe mais surtout risqué.

Avant d’en arriver à la solution extrême de la résiliation, un cocontractant doit envisager les autres solutions juridiques à sa disposition pour faire face à une situation déstabilisante. L’analyse, puis la mise en œuvre des stipulations contractuelles existantes, est un premier outil qui permet de gérer le présent. A défaut de stipulation contractuelle, la loi offre des solutions à mettre en œuvre.

 

Mettre en œuvre les outils contractuels ou légaux adéquats

L’entrepreneur ou l’entreprise qui subit une hausse des matières premières ou une hausse de ses charges, notamment d’énergie, et qui veut la répercuter sur son client doit avoir pour premier réflexe de vérifier le contexte juridique applicable à la relation commerciale. Il s’agira de vérifier, soit les clauses du contrat conclu, soit les clauses des conditions générales de vente ou d’achat échangées et acceptées entre les parties.

Si la relation contractuelle s’est nouée et développée sans cadre contractuel écrit, ce qui n’est pas rare, des solutions sont offertes par la loi qui supplée la carence des parties et permet à un cocontractant qui souffre économiquement de la hausse des prix, d’éviter que la poursuite de l’exécution du contrat ne devienne trop déséquilibrée.

 

Mettre en œuvre la clause d’indexation

Le premier outil auquel il faut se référer est la clause d’indexation ou de révision des prix. La clause d’indexation a spécifiquement pour objet de gérer les situations d’inflation ou de hausse généralisée des prix. La loi soumet la validité d’une clause d’indexation au respect de deux conditions, à savoir qu’elle ait été stipulée lors de la conclusion du contrat et qu’elle fasse référence à un indice précis, non dépendant de la volonté d’un des cocontractants. Cette clause est courante dans les contrats de bail et les contrats de fourniture. Pour ces derniers, reste à vérifier si leur mise en œuvre est suffisante mais également opérante en fonction des stipulations précises de la clause, de l’indice stipulé qui peut avoir disparu et de sa mise en œuvre. Les autres outils contractuels peuvent s’avérer plus intéressants à mettre en œuvre.

 

Suspendre l’exécution du contrat, voire résilier pour cause de force majeure

La force majeure peut être précisément définie dans les contrats. Il faut donc se référer à la clause du contrat pour évaluer la possibilité de s’en prévaloir. Pour être qualifié de force majeure, un événement doit remplir trois conditions : il doit échapper au contrôle du débiteur de l’obligation, il ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et ses effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, il empêche l’exécution de l’obligation (art. 1218 Code civil). Classiquement, la guerre, les attentats, les grèves, les épidémies, les événements climatiques constituent des cas de force majeure. Ainsi, la pénurie de matières premières due à la guerre en Ukraine devrait constituer un cas de force majeure.

Celui des cocontractants qui est empêché d’exécuter son obligation du fait d’un événement de force majeure doit le notifier à son cocontractant par lettre RAR. Cette notification, si la qualification de force majeure n’est pas contestée, entraînera la suspension du contrat pour le temps que durera l’événement. Si l’événement perdure trop longtemps, la résiliation du contrat s’imposera.

 

Invoquer l’imprévision ou la clause de renégociation / « hardship »

Cette stipulation contractuelle a pour objet de permettre à un cocontractant de solliciter une renégociation du contrat lorsqu’une situation imprévue ou imprévisible au moment de la conclusion du contrat survient et bouleverse totalement l’équilibre contractuel pour une partie. Celui qui subit la situation imprévue sollicitera une renégociation de tout ou partie des termes du contrat parce que le contrat est devenu trop onéreux ou constitue une charge trop importante. Selon sa rédaction, cette clause peut constituer une véritable bouée de sauvetage pour le cocontractant qui subit un bouleversement de marché rendant le contrat excessivement déséquilibré.

S’il n’existe pas dans le contrat de clause prévoyant la renégociation pour imprévision, l’article 1195 du Code civil permet à un partenaire commercial de solliciter la renégociation du contrat sous 4 conditions cumulatives : (i) un bouleversement dans l’exécution d’un contrat, (ii) postérieur à sa conclusion, (iii) qui perturbe son exécution au point de la rendre excessivement onéreuse et (iv) qu’aucune des parties n’ait accepté contractuellement d’en assumer le risque.

Mais attention, si l’imprévision oblige un partenaire commercial à entrer en négociation (obligation de moyen), elle ne l’oblige pas à conclure un nouveau contrat (obligation de résultat). Les parties restent libres de modifier ou non la relation contractuelle. Si les négociations échouent, la résiliation du contrat pourra s’avérer inéluctable. Les parties pourront également envisager de saisir un juge afin qu’il adapte le contrat pour le rééquilibrer ou y mettre fin.

 

Prévoir l’avenir contractuel

Tout chef d’entreprise doit penser à l’avenir, anticiper et prévoir. La succession des situations imprévisibles ces dernières années (pandémies, pénuries, conflits, hausses des matières premières) doit amener les dirigeants d’entreprises, les juristes à analyser, adapter et mettre à jour les documents contractuels émanant de l’entreprise (contrats, conditions générales) pour tenter de mieux faire face aux situations imprévisibles qui pourront se présenter à l’avenir.

La situation économique mondiale actuelle révèle la fragilité de certaines relations contractuelles ou plus exactement, la précarité de certains partenaires commerciaux qui peuvent s’avérer totalement démunis face à l’intransigeance de leur cocontractant ou l’absence de solution juridique adéquate leur permettant de se prémunir contre notamment des hausses de prix. Le recours au juge prévu par la loi ne sera certainement pas la solution la plus adaptée. La négociation avec leurs partenaires commerciaux grâce aux outils contractuels appropriés reste la voie la plus sûre.

 

Valérie Nicod

Avocat – Associée

Ydès