QUEL EST L’EFFET D’UNE PROCÉDURE COLLECTIVE SUR UN BAIL COMMERCIAL?
Il n’est, malheureusement, pas rare qu’une société commerciale fasse l’objet d’une procédure collective.
Ces procédures organisant le règlement du paiement des créances et des dettes d’une entreprise en difficulté financière, peuvent-être :
- une procédure de sauvegarde, à l’initiative du chef d’entreprise, si l’entreprise n’est pas en état de cessation des paiements ;
- un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire, si l’entreprise est en état de cessation des paiements.
QUE DEVIENT LE BAIL EN CAS DE REDRESSEMENT OU DE LIQUIDATION JUDICIAIRE D’UNE SOCIÉTÉ ?
Le jugement prononçant le placement sous sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire n’a pas d’incidence directe sur le bail : celui-ci se poursuit normalement. Le preneur reste dans les locaux, le loyer doit être payé.
Cependant, le locataire n’a plus la main sur son bail commercial : c’est désormais l’administrateur judiciaire ou le liquidateur, qui assume, pour le compte de la société en redressement ou liquidation judiciaire, les droits et obligations du locataire, tels que le paiement du loyer et des charges.
C’est aussi lui qui choisit de continuer, résilier, ou céder le bail commercial.
Ainsi, l’administrateur ou le liquidateur peut mettre fin au bail s’il lui apparaît qu’il ne dispose pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
QUELLE FORME DOIT REVÊTIR LA RÉSILIATION DU BAIL ?
Cette résiliation du bail anticipée n’a pas de formalisme particulier.
Le Code de commerce prévoit uniquement que le bail prend fin « au jour où le bailleur est informé de la décision du liquidateur de ne pas continuer le bail » (Articles L.622-13 et L.641-11-1 du Code de commerce).
En pratique, l’administrateur ou le liquidateur adressera une lettre recommandée au bailleur, pour prouver que la résiliation a bien été opérée et pour lui donner une date certaine.
A QUELLE DATE LA RÉSILIATION DU BAIL PREND-ELLE EFFET ?
Plus précisément, l’administrateur ou le liquidateur peut-il adresser un courrier au bailleur l’informant de sa volonté de résilier le bail pour une date ultérieure et différer ainsi les effets de la résiliation ?
Cela permettrait à l’administrateur ou le liquidateur de laisser survivre quelques mois l’activité du commerçant pour terminer les contrats en cours ou pour organiser la vente des biens garnissant le fonds de commerce, tout en laissant au bailleur le temps de se retourner face à cette rupture anticipée, et par exemple, lui permettre de chercher un nouveau locataire.
La Cour de cassation a clairement répondu que cela n’était pas possible dans un arrêt du 24 janvier 2018 (Cass. Com, 24 janv. 2018, n°16-13333) :
« Mais attendu, d’une part, qu’après avoir énoncé qu’il résulte de l’article L. 622-14, 1°, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008, que la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l’activité de l’entreprise intervient au jour où le bailleur est informé de la décision de l’administrateur de ne pas continuer le bail, l’arrêt retient exactement que si l’article L. 622-13, II, du même code fait obligation à l’administrateur de résilier un contrat à exécution successive à défaut de fonds suffisants pour acquitter le terme suivant, cette obligation ne lui interdit pas de mettre un terme à tout moment à des contrats de bail, même si les loyers peuvent être payés à l’échéance ;
Et attendu, d’autre part, que la résiliation étant, par application de la loi, effective dès le jour où le bailleur en est informé, le fait que l’administrateur lui ait indiqué que la résiliation n’interviendrait qu’à une date ultérieure, n’a pas eu pour effet de la rendre irrégulière ni d’en différer la date ».
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, l’administrateur entendait repousser les effets de la résiliation à l’expiration d’un délai de six mois.
Le bailleur, a contesté la faculté de l’administrateur de dénoncer à tout moment le bail en cours sans avoir à apporter une quelconque justification, ainsi que la date d’effet de cette dénonciation contraire aux dispositions légales.
La Cour de cassation a rejeté son pourvoi tout en rappelant que l’administrateur pouvait mettre un terme à tout moment au contrat de bail, mais confirmant que la date de résiliation était imposée par l’article L 622-14 du Code de commerce qui impose de plein droit aux parties une prise d’effet de la résiliation anticipée le jour où le bailleur est informé de la décision de l’administrateur.
Elle a jugé que la résiliation avec date d’effet différée n’avait pas eu pour conséquence de rendre celle-ci irrégulière mais que le report prévu dans la lettre ne pouvait s’appliquer.
Ainsi, l’administrateur ou le liquidateur ne peut accorder de préavis au bailleur et doit adresser le courrier informant ce dernier de sa volonté de résilier le bail commercial uniquement quelques jours avant la libération des locaux.
Une fois le bailleur informé de la résiliation, le locataire commerçant devient occupant sans droit ni titre, avec les conséquences que cela implique tant sur sa créance que sur les possibilités d’expulsion.
Il appartient donc à l’administrateur ou au liquidateur d’être vigilant sur la date d’envoi de ce courrier.
Et il appartient au bailleur de bien peser le pour et le contre avant d’envoyer une demande formelle sur la poursuite ou non du bail commercial.
Ydès – Droit des affaires
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