La règle posée par l’article L721-3 du Code de commerce relatif à la compétence du tribunal de commerce semble simple :
Les tribunaux de commerce connaissent :
- Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
- De celles relatives aux sociétés commerciales ;
- De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l’arbitrage les contestations ci-dessus énumérées. Par exception, lorsque le cautionnement d’une dette commerciale n’a pas été souscrit dans le cadre de l’activité professionnelle de la caution, la clause compromissoire ne peut être opposée à celle-ci.
Il semblait établi que dans les cas ci-dessus rappelés, le demandeur à une procédure non commerçant pouvait librement choisir :
- Soit de saisir les Tribunaux de Commerce.
- Soit de privilégier les Tribunaux Civils.
La Cour de cassation dans son arrêt du 20 décembre 2023 vient toutefois priver le demandeur de cette option lorsque « un litige oppose le dirigeant ou un autre mandataire social ou l’associé d’une société commerciale à cette société ou à un autre de ses associés ou de ses mandataires sociaux et porte sur une contestation relative à cette société commerciale » et ce bien que le demandeur n’ait pas la qualité de commerçant.
En pareil cas, le litige relève exclusivement de la compétence des juridictions consulaires (les Tribunaux de commerce).
Pour parvenir à ce résultat, la Cour de cassation se fonde sur le 2e de l’article L721-3 du code de commerce.
En effet, la Cour de cassation estime : que selon l’article L. 721-3, 2°, du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales.
Pour la cour, il n’est dérogé à la compétence exclusive des tribunaux de commerce pour connaître de ces contestations que dans l’hypothèse où celles-ci mettent en cause une personne non commerçante qui est extérieure au pacte social et n’appartient pas aux organes de la société, auquel cas cette personne dispose du choix de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce
Il est permis de s’interroger sur le sens de cette évolution de la jurisprudence.
Il faut peut-être y voir une analyse sémantique de la lettre de l’article L721-3 du Code de commerce.
En effet, l’article L721-3 1° du Code de commerce relève une répétition du terme « Entre » plus que notable : entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux. Cela a le mérite de la clarté. Ce qui est important, c’est la qualité de la partie.
Tout aussi clair est le 3e de l’article L721-3 : « De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes. » Ce qui est important, c’est la nature de l’acte et la qualité de la personne est indifférente.
Entre les deux, le 2e de l’article L721-3 qui est silencieux sur ce point. Il faut pourtant en donner une interprétation ainsi qu’une raison d’être : Les sociétés commerciales sont des commerçantes par nature. Quelque part, on pourrait imaginer un article L721-3 qui fasse l’économie du 2e et les litiges entre sociétés commerciales relèveraient du Tribunal de commerce en application de L721-3 1°.
La Cour de cassation choisit donc d’étendre le champ d’application de l’article L721-3 2° du Code de commerce aux personnes non commerçantes qui « gravitent » autour de la société commerciale, qu’il s’agisse soit des signataires du pacte social soit des dirigeants. Ce faisant, elle énonce une solution entre L721-3 1° (des non-commerçants sont concernés) et L721-3 3° (tous les non-commerçants ne le sont pas).
A titre de remarques finales, on notera que
- Cette qualité semble devoir être appréciée lors de la naissance du litige et non lors de l’assignation. En effet, l’arrêt du 20 décembre 23 concerne un ancien dirigeant.
- SI l’on en croit la Cour de cassation (Civ 3eme 16 février 2022 n°20-15.164) l’usufruitier n’aurait pas la qualité d’associé. Peut-on déduire qu’il bénéficierait de l’option classique ?
Raphaël Oualid – Avocat associé